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Bien-être au travail : La brève histoire d'un concept récent

Le bien-être au travail est une notion de plus en plus utilisée dans le monde de l’entreprise.
Néanmoins, les réalités qu’il recoupe et les problématiques qu’il soulève sont, elles, plus anciennes et universelles. Elles sont aussi diverses.
Dans une même entreprise chacun vit une réalité différente, il n’y a donc pas un bien-être au travail mais il y en a des millions.
Toutefois, il existe un socle commun à cette diversité.
Dans le dictionnaire Larousse, le bien-être est défini comme « un état agréable résultant de la satisfaction des besoins du corps et du calme de l’esprit ». Le corps et l’esprit font donc un et renvoi à plusieurs facteurs qui, combinés, influent sur le ressenti des collaborateurs par rapport à leurs conditions de travail. Le bien-être dépend de plusieurs facteurs : la santé, la réussite sociale ou économique, le plaisir, l’accomplissement de soi, le lien avec autrui, l'ergonomie du lieu de travail...
In fine, cette satisfaction agira sur la productivité de l’employé ! L’enjeu est donc crucial.
En France, nous avons une vision particulière de cela, liée à notre histoire. L’histoire de l’équilibre vie personnelle / professionnelle dépasse nos frontières et de nombreux pays, scandinaves ou anglo-saxons notamment ont contribué aussi à faire évoluer la notion.
C’est dans ce contexte qu’est ici esquissée une brève chronologie du bien-être au travail pour bien appréhender ses origines, ses fondements, sa dynamique et percevoir les bénéfices que l’entreprise pourra en tirer.
Les origines du bien-être au travail dans le monde
Outre-Atlantique, le terme « Quality of work life » est utilisé pour la première fois aux États-Unis par Irving Bluestone, employé de General Motors à la fin des années 60 [1], puis lors de la première conférence internationale sur la Qualité de Vie au Travail (Q.V.T) ou bien-être au travail, qui se tient à Arden House, à New-York. De cette conférence résulte la création d’un Conseil international de la Qualité au Travail au sein duquel des chercheurs propose une définition de la QVT selon 4 aspects :
Intégrité physique
Intégrité psychique
Développement du dialogue social
Equilibre entre vie professionnelle et vie personnelle
La firme General Motors mettait déjà, à l’époque, en place un programme pour évaluer le niveau de satisfaction des employés afin d’augmenter leur productivité.
En effet, l’engagement dans le travail est source de performance et d’innovation pour l’entreprise. La qualité de cet engagement mais aussi l’ambition qui préside à la recherche de qualité dans le management des structures professionnelles sont donc des enjeux cruciaux !
Croire qu’il est possible de susciter un engagement durable sans ces éléments est une illusion. N’est-ce pas ?
L’Europe l’a bien compris. Dès 1951 la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) s’y est intéressée. En 1974, fut créé le comité consultatif pour la sécurité, l'hygiène et la protection de la santé sur le lieu de travail et de nombreuses directives relatives à la protection des travailleurs. En 1987, pour la première fois, la question de la santé et de la sécurité au travail fut introduite dans le traité CEE (Communauté Economique Européenne). La directive du 12 juin 1989 précise les modes d'action pour l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs.
En mars 2000, lors du Conseil européen de Lisbonne, l’Union a mis en place une stratégie communautaire sur la santé et la sécurité au travail pour la période 2002-2006, qui adopta explicitement une approche globale du bien-être au travail. Depuis, cela est sans cesse consacré et explicité.
Chez nos voisins, notamment anglais ou scandinaves, souvent avant-gardistes, il en est de même. « Arbejdsglaede » est un mot scandinave imprononçable qui exprime la joie et la satisfaction de faire quelque chose. En français, on pourrait traduire ce mot littéralement par « joie au travail », cela renvoie à la satisfaction au travail, la notion prend ici encore plus de sens.
Peut-être qu’un jour, Q.V.T deviendra J.A.T (Joie Au Travail) !

Le bien-être au travail en France avant 2013
Pour bien appréhender cette notion, il faut mettre en perspective l’histoire économique de notre pays. Si la révolution industrielle du 19e siècle a été un premier tournant, l’après seconde Guerre mondiale a accéléré la prise de conscience de ce sujet.
Malheureusement, le contexte économique de crise des années 1970 a relégué le bien-être au travail derrière d’autres préoccupations même si, et on s’en rendra compte après, c’est justement dans les conjonctures économiques difficiles qu’il est pertinent de s’appuyer sur une force de travail équilibrée et productive !
À la même époque, en 1973, est fondée en France l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT), l’organisme public qui est aujourd’hui en charge des questions de QVT, consacrant les expressions « qualité de vie au travail » et « risques professionnels », l’expression « risques psychosociaux » (RPS), très liée aujourd’hui à la QVT, apparaît pour la première fois lors du congrès de l’OMS de 1998 pour ensuite se développer dans les sphères politiques, juridiques et académiques.
Il faut attendre 2003 pour voir apparaître l’expression « qualité de vie au travail » en France, au travers de la première édition de la Semaine de la Qualité de Vie au Travail, organisée par l’ANACT afin de valoriser des démarches d’entreprises qui permettent d’améliorer la façon de travailler collectivement.
Quelques années plus tard, en 2007, la même ANACT publie un numéro spécial de sa revue bimestrielle Travail & Changement qui titre « Améliorer la qualité de vie au travail : des pistes pour agir ». Dans ce numéro, l’ANACT définit la QVT selon six points :
Qualité des relations sociales et de travail
Qualité du contenu du travail
Qualité de l’environnement physique
Qualité de l’organisation du travail
Possibilités de réalisation et de développement professionnel
Conciliation entre vie professionnelle et vie privée
Malgré tout, lors de la crise économique mondiale de 2008 le mal-être explose faisant de nombreux dégâts, notamment chez France Télécom. On avait oublié l’humain…
Ce sujet fait l’objet d’une forte exposition médiatique du fait de la recrudescence de suicides pour raison professionnelle. On peut supposer que la médiatisation de ces événements a pu participer à une meilleure sensibilisation et à un plus grand intérêt pour la QVT et ses bénéfices.
Le bien-être au travail après 2013
Après plusieurs mois de discussion, les partenaires sociaux ont conclu en 2013 un accord national interprofessionnel (ANI) historique intitulé : "Vers une politique d'amélioration de la qualité de vie au travail et de l'égalité professionnelle".
Cet accord pose une définition simple de la qualité de vie au travail :
"La qualité de vie au travail peut se concevoir comme un sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement, qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué".
Les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail et leur capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu de celui-ci déterminent la perception de la qualité de vie au travail qui en résulte.
Trois ans plus tard, la loi Rebsamen inclut le thème de la QVT et du bien-être au travail dans le champ de la négociation annuelle obligatoire des entreprises. Elle devient incontournable dans les principes de R.S.E (responsabilité sociétale des entreprises).
Cette définition s’est enrichie des nombreux travaux de recherche à ce sujet, la quête de sens du travail étant une question qui passionne, aussi bien à l’intérieur qu’en dehors de l’entreprise. Nous ne détaillerons pas ici l’ensemble des études ; nous dirons juste qu’elles émanent d’institutions reconnues mondialement comme l’Université de Harvard, outre-Atlantique, ou, en France, du Mouvement des entreprises de France (M.E.D.E.F), le rapprochement est explicite entre le monde du sport et celui des entreprises.
Comme nous le verrons après, de façon plus détaillée dans d’autres articles spécifiques, ces deux entités partagent beaucoup de valeurs communes, notamment l’esprit fédérateur. Par ailleurs, le sport est un outil exceptionnel pour améliorer la santé des collaborateurs, donc de l’entreprise. Enfin, quoi de mieux, dans un contexte concurrentiel exacerbé, que de pousser nos entreprises à se démarquer par le sport, promoteur d’une image solide et dynamique.
Du bien-être au travail à la QVT
La Q.V.T recouvre différentes dimensions :
Sens du travail
Dialogue social
Santé au travail
Circulation de l’information
Contenu du travail, autonomie
Equilibre entre vie personnelle et professionnelle
Reconnaissance
Conditions de travail
Organisation du travail
Relationnel, ambiance de travail
Egalité entre les hommes et les femmes
Le développement de la notion de QVT englobe le bien-être au travail ; en France, elle est révélatrice d’un changement de paradigme que révèle bien le changement de terminologie.
De « l’amélioration des conditions de travail » au « bien-être au travail » puis à l’amélioration de la QVT ».
Privilégier la QVT, c’est ainsi ajouter aux notions traditionnellement liées aux conditions de travail (horaires de travail, environnement de travail, salaire, pénibilité, gestion du stress et des RPS, etc.) les notions plus subjectives, et donc individuelles, de plaisir et de satisfaction que procure l’activité réalisée. La qualité du contenu du travail, le sentiment d’implication ou encore les possibilités de réalisation et de développement personnel sont alors bien plus mis en avant. Ce changement de paradigme semble répondre aux aspirations des nouvelles générations puisque 61% de la génération Z estimeraient que la QVT est plus importante que le salaire.
Conclusion
La QVT, à travers le bien-être au travail est une notion large qui recouvre de nombreux aspects de la vie au travail et qui répond à la quête de sens de l’entreprise. À ce titre, elle est un objectif à poursuivre. Elle offre différents leviers d’actions qui peuvent être mis en place simplement, notamment par l’activité physique ou l’intelligence collective.
Elle fait l’objet d’une attention particulièrement soutenue par toujours plus d’entreprises. La crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19 n’est pas étrangère à ce phénomène puisqu’elle a forcé de nombreuses transformations, interrogeant ainsi de nombreux aspects de la QVT, par exemple la pérennité du télétravail, la réinvention du management ou encore le maintien du lien social et du sentiment d’appartenance. Véritable levier contre l'absentéisme, les accidents de travail et les risques psychosociaux, ces stratégies de Q.V.T détermineront la force des entreprises de demain.
[1] Dupuis, G., Martel, JP., Voirol, C., Bibeau, L., Hébert-Bonneville, N. (2009) La qualité de vie au travail : Bilan des connaissances. CLIPP, Page 31